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Sœur Jeanne : une vie consacrée

Depuis la fraternité de Rodez, sœur Jeanne Pélissier revient sur ses 78 ans de vie consacrée.
Comment as-tu su que tu avais une vocation religieuse? Quels ont été les moments déterminants dans ton choix?

Ah, cela n’a pas été une évidence du jour au lendemain ! C’est vraiment difficile à expliquer… Je suis issu d’une famille chrétienne, mais avec tous les enfants, mes parents ne pouvaient pas nous emmener à l’église chaque dimanche.

Pourtant, ils ont choisi de nous inscrire dans une école catholique, où j’ai suivi des cours de catéchisme et assisté à la messe. La première fois que j’ai vraiment côtoyé la vie religieuse, c’est lorsque ma tante a prononcé ses vœux chez les sœurs de Rodez.

Ma pauvre mère était terrifiée, imaginant perdre sa sœur aînée qui l’avait élevée comme une seconde mère. Mais la supérieure du couvent, les sœurs et même ma tante ont su faire preuve d’une patience et d’une douceur incroyables, dissipant peu à peu les craintes de ma mère. Puis, vers l’âge de neuf ans et demi, j’ai eu l’occasion de rendre visite à ma tante à Rodez. Et vous savez quoi ? Aussi étrange que cela puisse paraître, je me suis senti à ma place au couvent. Et croyez-moi, les religieuses de l’époque, c’était loin d’être la fête comme aujourd’hui ! Je me souviens encore de ce moment où, à l’heure de mon départ, j’ai levé les yeux vers la supérieure, une femme imposante, et lui ai demandé : “Ma mère, est-ce que je pourrais rester avec vous ?” Et sa réponse ? Vous allez rire, elle m’a dit : “Mais voyons, on ne garde pas les petites filles !”

 Une année s’écoule, mais mon désir de rejoindre les sœurs ne s’éteint pas. Je décide alors de leur écrire. Le temps passe, j’écris encore et encore à la mère supérieure : pas de réponse. Un beau jour, la lettre tant attendue est arrivée à la maison : mon cœur battait la chamade ! Les sœurs avaient ouvert une année juvéniste : ainsi, ce cheminement m’a amené à prendre l’habit à 15 ans !

As-tu observé des changements significatifs dans la vie religieuse au cours de ta vie ?

Ce qui me marque aujourd’hui c’est une joie et une fraternité plus visibles dans la vie de l’institut, dans les fraternités. Dans ma jeunesse, ma famille a côtoyé les sœurs bleues de Castres. Toutes étaient d’une grande gentillesse mais on ne voyait pas rayonner leur joie.

La vie religieuse autrefois, c’était des règles parfois difficiles : le lever très tôt, une discipline de vie bien réglée, les offices en latin. Dans la vie communautaire, il y avait parfois des différences de rang entre sœur, venant de familles plus aisées. Néanmoins toutes ces différences disparaissaient bien vite lors des récréations après les repas.

 Maintenant, le plus grand défi, c’est la vieillesse : il faut s’efforcer de ne pas devenir amer. C’est un chemin que chacun est appelé à emprunter.

En ce qui me concerne, ma vie a été source de joie ! J’ai adoré mon métier d’infirmière. J’ai aussi répondu à des appels inattendus, comme celui d’aider la communauté gitane. On allait demander si les parents voulaient faire baptiser leurs enfants, leur apprendre à lire. J’y ai, au fil du temps, noué de belles amitiés.

Quel est l’épisode de la vie de saint François qui t’a le plus touché ?

Je parlerai plutôt d’une attitude du Poverello : son accessibilité ! Son sens de l’accueil était remarquable ! Les gens venaient le voir, et St François était là pour eux, à toute heure. Cette attitude, j’ai essayé de la faire mienne tout au long de ma vie !

Y a-t-il un conseil que tu aimerais partager ?

De faire confiance à Dieu, d’être attentif à son appel, de discerner avec le Seigneur ses choix, et ce, quel que soit sa vocation. La vie nous réserve son lot de joies et d’épreuves, mais pour rien au monde je n’aurais renoncé à suivre le Christ. C’est là qu’il fallait que je sois ! Quand j’ai fait ma demande pour faire mes vœux perpétuels à la mère supérieure de Rodez, cette dernière m’a demandé d’attendre une année de plus. Vous savez, cela m’a profondément affectée de voir les autres novices faire leurs vœux et pas moi. J’ai versé tant de larmes… Mais une chose était claire dans mon cœur : ma conviction profonde de consacrer ma vie au Seigneur ! C’était ma place, quoi qu’il arrive. J’ai vécu une vie heureuse, malgré les hauts et les bas. Le Seigneur m’a toujours accompagnée, et aujourd’hui encore, il continue !

Entretien receuilli par sœur Pascal BONEF et mis en forme par Quentin RUAUD

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